mercredi 13 juin 2012

Bonnes soeurs, condors et feuilles de coca


Non mais vous n’avez quand même pas cru que j’allais me contenter d’un tel torchon simplement parce que je suis entouré d’incultes illettrés intellectuellement inaptes ? Je refuse de m’incliner devant la première critique. Surtout que je sais bien qu’au fond ils les aiment mes articles. Ils disent ça rien que pour m’embêter. Alors oui il est vrai que de temps à autres je me laisse emporter et que j’ai tendance à écrire des pavés, mais c’est avant tout pour occuper un peu vos mornes journées européennes (et aussi un peu pour les faire râler).
Reprenons notre agréable balade touristique, mais cette fois dans ce style joyeux et dynamique que vous appréciez tant (ou pas) :

3ème étape : Arequipa, Titikaka et Bolivie

                Après la côte Pacifique et le désert, notre périple nous mène (via 13h de bus supplémentaires) jusqu’à Arequipa, deuxième plus grande ville du Pérou (derrière Lima), tout au sud du pays. Dotée d’une situation exceptionnelle au milieu des volcans, dont le Misti (5 800 m d’altitude) au sommet éternellement enneigé, elle conserve un charme indéniable malgré les nombreux épisodes sismiques qui l’ont ébranlée ces dernières années. Le sillar, la pierre blanche des volcans qui constitue l’essentiel de son architecture, lui donne un aspect propre et soigné, notamment dans le centre colonial et ses arcades
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 C’est propre, pigé ?

                Parmi les principaux sites dignes d’intérêt, le monastère Santa Catalina : fondé en 1580 mais ouvert au public seulement en 1970, il abritait (et abrite encore) une centaine de religieuses issues des plus grandes familles de la région. Construit comme une forteresse, c’est une véritable ville dans la ville, avec ses jardins soigneusement entretenus, ses cuisines communes et ses ruelles étroites menant des cloîtres orangés ou bleutés aux minuscules cellules où les nonnes vivaient recluses. Enfin, quand je dis minuscules, je ne parle pas des chambres des mères supérieures, vastes et richement meublées. A en juger par leurs portraits sur les murs, ces femmes n’avaient d’austère que le caractère et mangeaient plus qu’à leur faim. On comprend facilement à qui étaient destinées les confortables dots que les jeunes filles de bonne famille apportaient à leur entrée au couvent… Les bâtiments, dont certains sont ornés de grandes fresques religieuses sur l’extérieur, hébergent une riche collection de peintures ainsi qu’un musée archéologique.

 Ici, la mona se terre

                Si la visite d’Arequipa ville fut paisible et reposante, la suite allait l’être beaucoup moins. Nous avons décidé de nous lancer dans un trek (randonnée) de 2 jours dans le mythique Cañon del Colca, plus profond encore, semble-t-il, que le Grand Canyon du Colorado (il y a à ce sujet une amusante polémique entre péruviens et américains pour savoir qui a le plus gros : un des versants du Colca offrant un dénivelé vertigineux de 3 000 m mais le deuxième de « seulement » 1 200 m, le Grand Canyon est toujours universellement considéré comme le plus grand du monde… sauf par les péruviens). Mais laissons-là ces querelles de clochers et revenons à nos lamas. Je vous détaille rapidement le programme, que vous vous rendiez compte du côté un peu dingue de l’entreprise. Lever difficile à 2h30 du matin puis 3h de bus pour rallier la Cruz del condor. Comme son nom l’indique, elle représente un point de vue privilégié pour observer ces splendides rapaces, qui atteignent tout de même 3 m d’envergure ailes dépliées. Heureusement qu’ils sont exclusivement charognards, sinon les élevages de lamas et d’alpagas des environs ne seraient plus qu’un tas de laine.

Petit petit petit !

                C’est là que prend fin la phase « tourisme passif » et que débute la phase « tourisme sportif ». Sac sur le dos, chaussures de rando, beau chapeau, short et maillot, nous voilà partis pour 6 heures de marche parmi les paysages enchanteurs du Cañon. Alors certes, pour le moment nous faisons essentiellement de la descente (pour le moment…), mais avec le soleil qui cogne dur et le terrain accidenté, nous sommes bien contents d’atteindre le fond de la vallée et l’oasis où nous passerons la nuit.

                Si la piscine de « l’hôtel » est appréciable pour nos jambes fatiguées, en revanche nous n’avions pas prévu l’absence d’eau chaude et d’électricité. Ça tombe bien, on a oublié les lampes de poche, et c’est donc à l’aveuglette que nous rejoignons nos chambres. Impossible du coup d’identifier les insectes nichant dans nos lits.

 Quel gros cañon, il paraît au moins aussi gros que le Grand Canyon

De toutes manières, nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire connaissance avec les bestioles, car le lendemain 5h, rebelote, réveil encore plus difficile et c’est reparti pour la rando, sauf que cette fois il faut surmonter les 1 200 m de grimpette… Une fois n’est pas coutume, Cloé a fait preuve de bon sens et a loué une mule qui lui évitera d’avoir à affronter la montée infernale. Bien lui en a pris, car il faut avouer que cette deuxième journée de marche fut pour le moins physique (surtout qu’on était à jeun, l’horreur). Enfin, pas pour tout le monde, puisque tandis que nous luttons péniblement pour hisser nos carcasses fourbues jusqu’au prochain col, notre guide, lui, parait voler au-dessus des cailloux. Pire, un sympathique canadien que nous avions déjà rencontré et sa charmante femme, enceinte de 4 mois à peine, nous doublent allègrement à l’approche du sommet… A notre décharge, c’étaient des habitués de la grande randonnée, ce qui n’est pas vraiment notre cas.

A maintes reprises nous avons cru que le plus dur était derrière nous, le chemin laissant croire que nous avions atteint le sommet, mais le virage suivant masquait en fait un nouvel écueil, puis un autre… Heureusement le décor de carte postale qui s’offrait à nos yeux nous redonnait du baume au cœur à chacune de nos (multiples) pauses. Nous avons bien fini par arriver (et avant Cloé s’il vous plaît, bien que sa mule ait tenté plusieurs dépassements délicats à flanc de falaise pour gagner du temps, elle portait un trop lourd fardeau), exténués mais heureux d’avoir réussi. Et puis le spectacle du cañon en contrebas constitue à lui seul une récompense qui vaut bien quelques sacrifices.

 Cloé la feignasse et sa pauvre mule

                Après avoir englouti un petit-déjeuner qui nous a semblé le meilleur de notre vie, nous retrouvons notre bus, qui nous amène, ô bonheur, jusqu’à un bassin d’eaux thermales qui a accueilli à bras ouverts nos corps endoloris. On serait bien restés là des heures à ne rien faire, mais déjà le bus nous invite à reprendre la route et profiter des derniers arrêts de la journée, à savoir un arrêt panorama pour admirer les magnifiques cultures en terrasses héritées des Incas puis un arrêt « buffet à volonté », ou comment compenser en une heure à peine toutes les pertes de graisses des deux derniers jours.

 Attention à la marche

                Le lendemain, nous et nos courbatures empruntons un énième bus qui nous dépose, 5h30 plus tard, dans la ville de Puno, au bord du légendaire Lac Titikaka (ou Titicaca, c’est selon) et à quelques encablures à peine de la frontière bolivienne. La ville en elle-même est plutôt fade, pour être honnête. Mais évidemment LA chose à voir ici, c’est le lac, dont les caractéristiques principales sont le nom pour le moins original, qui aura fait rire des générations d’écoliers, sa taille imposante, quinze fois le lac Léman, et son altitude (3 800 m), qui en fait le lac navigable le plus haut du monde.

 Je vous épargne les jeux de mots sur le Lac Titicaca

                Sur sa surface se bousculent de petites îles flottantes habitables, ingénieusement construites en totora, le roseau local. Nous avons accosté sur deux d’entre elles, les îles Uros, où les habitants, qui ne parlent presque que l’aymara, un dialecte qui lutte pour sa survie, nous ont fait visiter leurs huttes de roseau et nous ont expliqué leur mode de vie, intimement lié au fonctionnement de leur curieuse terre d’accueil artificielle. L’endroit possède un cachet certain mais devient un peu trop touristique.

 Même la tourelle du maître-nageur est en bambou

                Le lendemain, nous montons à nouveau dans un de ces bus que nous apprécions tant. 5h de route en théorie, mais à la frontière bolivienne, surprise : une manifestation contre l’exploitation des gisements miniers des environs empêche le passage des véhicules. Qu’à cela ne tienne, nous voilà quittes pour une marche d’une bonne heure, bagages sur le dos, afin de passer les barrages et rejoindre la ville de Copacabana, sur la rive bolivienne du Titikaka. Notez que la célébrissime plage de Copacabana, au Brésil, a été dénommée ainsi par le marin bolivien qui l’a découverte  en hommage à sa ville natale.

D’ici nous attend ensuite la visite de l’Isla del Sol (Ile du soleil), située au beau milieu du lac (deux heures de bateau pour y accéder). Nous fiant aux commentaires du Petit futé ou autre Guide du routard, nous pensons nous livrer à une agréable journée détente. Et bien pas tout à fait, puisque la traversée de l’île dans le sens de la longueur se révèle être une exigeante randonnée de 11 km avec un dénivelé qui joue les montagnes russes. Heureusement qu’on était déjà bien rodés, sans quoi nous aurions sans doute raté le bateau retour ! Mais encore une fois, quels paysages ! A gauche, une splendide baie aux eaux émeraude ; à droite, des reliefs quasi désertiques ; droit devant, un bosquet d’eucalyptus ; et derrière nous, le temple du soleil et sa table de sacrifice encore en usage (mais toujours pas de sacrifices humains, Julien devra encore attendre). On a l’impression de parcourir des kilomètres rien qu’en tournant la tête !

 Là c'est plutôt la vue côté gauche

Ceci est un autel sacrificiel, et non une table de pique-nique,
comme les tabourets pourraient le laisser penser

                De retour sur la terre ferme, nous enchaînons avec 4h de bus (entrecoupées par une petite traversée en bateau, c’est amusant de voir le bac transporter le bus de l’autre côté) pour rejoindre La Paz, capitale de la Bolivie. Perchée à 3660 m d’altitude, ce qui en fait la capitale la plus haute du monde, la ville est bâtie d’une manière pour le moins singulière : dans la vallée, le gigantesque centre-ville moderne et bruyant, regroupant l’ensemble des institutions et des activités touristiques, et sur les versants des collines environnantes, les quartiers les plus populaires, s’apparentant parfois à des bidonvilles de montagne. Dans les rues, on croise régulièrement de superbes policiers avec costumes à galons ressemblant plus au général Alcazar de Tintin qu’à nos agents de la paix français. N’ayant pas beaucoup de temps devant nous, notre visite s’est cantonnée au centre historique et à quelques musées plutôt intéressants, sur des thèmes divers : musée de l’or, pour bien se rendre compte que les Incas devaient être vachement musclés du nez et des oreilles quand on voit la taille de leurs bijoux en or massif ; musée de la coca, pour tout savoir des différents usages et vertus de cette plante, ingrédient de base de deux des plus dangereuses drogues de nos sociétés modernes, la cocaïne et le Coca-cola ; et enfin musée de l’artisanat et des coutumes locales.

La Paz centre et ses quelques passants ;
au fond, on distingue les collines couvertes d’habitations précaires 

                Hélas c’est déjà fini pour aujourd’hui, mais très bientôt (dans la mesure du possible, nous sommes des hommes très demandés) vous pourrez profiter du grand feu d‘artifices final de notre périple péruvien : Cusco, la Vallée Sacrée et le Machu Picchu !

NG

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