Voilà déjà plus d’un
mois que nous foulons le sol péruvien pour défendre la noble cause de
l’association Agro Perú Niños : soutenir le développement du hameau de
Siracat par l’agriculture. Il est donc grand temps de faire le point sur
l’avancée du projet jusqu’à maintenant, de vous expliquer comment on travaille,
les difficultés qu’on rencontre… Notez que cet article s’adresse aussi bien aux
élèves des écoles (moyennant l’utilisation d’un dictionnaire, car vous allez
enrichir votre vocabulaire) qu’à nos lecteurs les plus assidus (et même aux
personnes qui seraient tombées sur le blog par hasard).
A peine a-t-on posé le
pied à Lima que déjà notre première mission, si on l’acceptait, pointait le
bout de son nez : envoyer un e-mail à toutes les personnes qui ont, de
près ou de loin, participé au projet par le passé. Et là, premier échec.
Visiblement, le mail n’est pas le mode de communication favori des
péruviens : on n’a obtenu qu’une seule réponse, celle du nouveau maire de
Cospán (c’est le village auquel appartient Siracat). Mais nous ne nous sommes
pas découragés pour autant (et heureusement, parce que comme vous allez
vous en apercevoir, on n’était pas au bout de nos peines !).
En réalité, la vie du
projet se décompose en deux parties bien distinctes :
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Une
partie se déroule à Cospán et Siracat, lieux directement concernés par la
mission APN. Là, on peut discuter avec les acteurs locaux du projet : la
mairie de Cospán, le directeur du collège de Siracat, Martín, le professeur
d’agronomie, relais d’APN sur place, les poules, les vaches, sans oublier les
élèves du collège et leurs familles. Cela permet de voir l’avancée des
différents travaux entrepris, de collecter les impressions et les nouvelles
idées. Il est aussi important d’être simplement présents sur place pour montrer
aux villageois que l’association travaille et tient ses engagements.
-
L’autre
partie se déroule à Cajamarca, capitale de province, siège du gouvernement
régional, ce qui équivaut à peu de choses près à un conseil régional français.
C’est là que nous adressons les demandes de subventions pour du matériel ou des
constructions, c’est là que nous rencontrons les personnages influents et que
nous entreprenons toutes les démarches administratives.
Vous l’aurez compris, les deux parties sont indispensables et
complémentaires, et cela nous amène à faire des allers-retours réguliers entre
Cospán et Cajamarca, séparées par six heures de routes cahoteuses. Je vais
maintenant rentrer un peu plus dans les détails.
Notre premier séjour à
Cospán a été l’occasion de vérifier l’implication du village dans le projet.
Nous avons tout de suite été rassurés : le professeur Martín nous a semblé
toujours aussi motivé et débordant d’idées neuves pour améliorer l’enseignement
agricole au collège. Quant à la mairie, elle semble elle aussi s’être imprégnée
du projet. Elle a notamment décidé de financer la construction d’une réserve
d’eau pour le collège, qui n’avait jusqu’à maintenant accès à cette ressource
indispensable aux travaux pratiques qu’une fois tous les 22 jours ! L’idée
est de remplir cette réserve à chaque fois et de s’en servir jusqu’à la
prochaine arrivée d’eau. Le maire a promis que les travaux débuteraient
bientôt, ce qui serait une très bonne nouvelle quand on sait que la saison
sèche commence en mai-juin. On a bon espoir de voir le bassin terminé avant
notre départ. La mairie a également acheté quelques outils agricoles (pelles,
bêches…) qui permettront aux élèves de s’initier aux travaux des champs.
Lors de notre visite
du collège de Siracat, Martín nous a expliqué les différents aménagements qu’il
avait prévus : il sait déjà où il veut planter arbres et arbustes, et
quelles espèces il veut utiliser, forestières ou fruitières. Il nous a montré
l’emplacement du futur laboratoire de transformation, qui offrira un véritable
plus aux travaux pratiques proposés aux enfants et pourra aussi servir à long
terme à vendre des produits agricoles transformés (yaourts, confitures, jus de fruits…).
Par ailleurs, il s’est dit très intéressé par le démarrage d’un élevage de
petits animaux, lapins (conejos) et cochons d’Inde (cuyes). Les élèves
pourraient ensuite en ramener chez eux afin de les dresser et de monter un
numéro de cirque. C’est une blague bien sûr, l’idée est de commencer leur propre
élevage et ainsi de diversifier leur alimentation. Le professeur nous a en plus
communiqué son intérêt pour l’achat d’un vidéoprojecteur et de l’ordinateur qui
va avec, afin de pouvoir proposer aux enfants des illustrations sur les
différents points abordés en cours.
Avec Martín, nous
avons également discuté de la création d’une association APN locale, qui serait
constituée de parents d’élèves par exemple, et d’une coopérative agricole
regroupant les différents agriculteurs de Siracat, voire de Cospán dans son
ensemble. Mais pour l’instant, ces deux points n’ont pas vraiment avancé. Il a
aussi été question de mettre en place une formation agricole pour les adultes
du village, idée lancée par Bertrand, le vice-président d’APN, lors de sa
visite en novembre dernier. Nous nous sommes adressés à l’Université de
Cajamarca, afin de savoir s’ils pouvaient envoyer des professeurs spécialistes,
qui viendraient le temps d’un week-end assurer les parties théorique et
pratique. Nous avons retenu deux grandes thématiques, qui feraient l’objet de
deux week-ends de formation distincts : une thématique « Recyclage et
production d’engrais organique » et une thématique « Usage de l’eau
et gestion des terres ». Le 30 avril, une réunion avec les gens du village
viendra fixer les dates des formations et permettra de décider où et comment
elles seront réalisées. Enfin, on a mis sur la table le problème de la gestion
des déchets du village, pas du tout organisée à l’heure actuelle. Après
discussion avec la spécialiste de la question à la mairie de Cajamarca, nous
avons convenu qu’elle se rendrait prochainement à Cospán afin de sensibiliser
les habitants et de choisir une fois sur place la solution la plus pratique.
L’idée retenue pour l’instant serait de trouver un endroit où stocker
temporairement les déchets avant de les acheminer par camion jusqu’à Cajamarca,
où ils seront traités. Voilà pour les différents points abordés, voyons
maintenant ce qu’il est advenu de ces belles initiatives une fois que nous
avons adressé les demandes officielles aux organismes concernés.
Photo qui n’a rien à voir
avec le propos de cet article mais qui a au moins le mérite de vous permettre
de souffler avant la dernière ligne droite
Vous pensez que
l’administration française est une catastrophe ? Attendez de connaître
celle du Pérou ! Pour vous en donner une image précise, elle ressemble à
s’y méprendre à la « Maison qui rend fou » des 12 travaux d’Astérix. Je vous conseille
de voir ou revoir cet excellent dessin animé, il est très représentatif de
notre quotidien à Cajamarca. Nos différentes demandes se promènent allègrement
de service en service, de département en département, jusqu’à ce que quelqu’un
ait la bonne idée de vérifier de quoi elles parlent et qui serait susceptible
de les financer. Mais ce serait trop simple si le jeu de pistes se limitait à
ça. Rajoutez-y les indications
floues voire erronées sur la direction à suivre et la personne à rencontrer, et
même parfois des incompréhensions complètes entre nous et nos interlocuteurs (à
leur décharge, notre espagnol n’est pas encore d’une fluidité exceptionnelle).
Tant et si bien qu’on a parfois l’impression de devoir résoudre des
énigmes ! Mais rassurez-vous, à force de courage et d’abnégation (en voilà
un mot compliqué !) on finit par obtenir des résultats, la preuve dans le
paragraphe suivant.
Bertrand, en novembre dernier, avait remis au Gouvernement
régional la demande de financement de graines améliorées pour la pépinière du
collège et des différents outils et appareils nécessaires au laboratoire. Après
quelques péripéties et de nombreuses visites, nous avons appris que celle-ci
avait été transmise à la Direction régionale de l’agriculture et archivée. Il
s’était écoulé trop de temps entre la dernière visite de Bertrand et notre
arrivée. Nous avons donc dû nous adresser au directeur, qui a reconsidéré notre
demande et nous a annoncé qu’il pensait en financer au moins la moitié. Il doit
nous recontacter sous peu pour confirmer. En ce qui concerne le laboratoire en
lui-même, nous sommes en passe d’obtenir le devis de construction, grâce au
soutien de l’ancien maire de Cospán, Luciano Mendez Alcantara. En toute
logique, les travaux devraient donc débuter dans les mois qui viennent, mais
prudence…
En revanche, la demande pour le vidéoprojecteur et
l’ordinateur a été refusée. Nous allons donc probablement financer nous-mêmes
cet achat, à l’aide des fonds que nous avons réunis grâce à vous avant notre
départ. Vous me ferez donc remarquer, à juste titre : « Mais alors,
où est la vraie bonne nouvelle ? ». J’y viens, lecteurs incrédules,
j’y viens ! En effet, la demande pour les lapins et cochons d’Inde a été
acceptée ! Bon certes, pas vraiment comme on l’attendait : là où nous
pensions obtenir l’argent nécessaire à l’achat de ces sympathiques bestioles,
nous avons en fait eu droit… aux bestioles elles-mêmes, en chair et en
poils ! Nous sommes donc en train de réfléchir au meilleur moyen de
transporter 20 cochons d’Inde et 20 lapins entre Cajamarca et Siracat, sachant
que le combi qu’on utilise habituellement peine déjà à accueillir ses passagers
humains…
Vous l’aurez compris, le projet n’est pas de tout
repos, mais c’est aussi ça qui le rend si intéressant et enrichissant ! Et
puis l’avantage, c’est que désormais la mairie de Cajamarca, le Gouvernement
régional et autre Direction régionale de l’agriculture n’ont plus de secrets
pour nous ! Et pour l’anecdote, le vigile (avec arme et gilet pare-balles)
à l’entrée du gouvernement nous connaît si bien maintenant qu’il nous salue et
qu’on rentre comme dans un moulin, alors qu’au début on devait montrer patte
blanche et expliquer longuement ce qu’on venait faire ici !
NG
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