mardi 10 avril 2012

Le projet avance ! (au rythme péruvien...)


                Voilà déjà plus d’un mois que nous foulons le sol péruvien pour défendre la noble cause de l’association Agro Perú Niños : soutenir le développement du hameau de Siracat par l’agriculture. Il est donc grand temps de faire le point sur l’avancée du projet jusqu’à maintenant, de vous expliquer comment on travaille, les difficultés qu’on rencontre… Notez que cet article s’adresse aussi bien aux élèves des écoles (moyennant l’utilisation d’un dictionnaire, car vous allez enrichir votre vocabulaire) qu’à nos lecteurs les plus assidus (et même aux personnes qui seraient tombées sur le blog par hasard).

                A peine a-t-on posé le pied à Lima que déjà notre première mission, si on l’acceptait, pointait le bout de son nez : envoyer un e-mail à toutes les personnes qui ont, de près ou de loin, participé au projet par le passé. Et là, premier échec. Visiblement, le mail n’est pas le mode de communication favori des péruviens : on n’a obtenu qu’une seule réponse, celle du nouveau maire de Cospán (c’est le village auquel appartient Siracat). Mais nous ne nous sommes pas découragés pour autant (et heureusement, parce que comme vous allez vous en apercevoir, on n’était pas au bout de nos peines !).
                En réalité, la vie du projet se décompose en deux parties bien distinctes :
-          Une partie se déroule à Cospán et Siracat, lieux directement concernés par la mission APN. Là, on peut discuter avec les acteurs locaux du projet : la mairie de Cospán, le directeur du collège de Siracat, Martín, le professeur d’agronomie, relais d’APN sur place, les poules, les vaches, sans oublier les élèves du collège et leurs familles. Cela permet de voir l’avancée des différents travaux entrepris, de collecter les impressions et les nouvelles idées. Il est aussi important d’être simplement présents sur place pour montrer aux villageois que l’association travaille et tient ses engagements.


Le collège de Siracat, oasis de savoir au milieu des Andes

-          L’autre partie se déroule à Cajamarca, capitale de province, siège du gouvernement régional, ce qui équivaut à peu de choses près à un conseil régional français. C’est là que nous adressons les demandes de subventions pour du matériel ou des constructions, c’est là que nous rencontrons les personnages influents et que nous entreprenons toutes les démarches administratives.

Vue aérienne de Cajamarca

Vous l’aurez compris, les deux parties sont indispensables et complémentaires, et cela nous amène à faire des allers-retours réguliers entre Cospán et Cajamarca, séparées par six heures de routes cahoteuses. Je vais maintenant rentrer un peu plus dans les détails.


                Notre premier séjour à Cospán a été l’occasion de vérifier l’implication du village dans le projet. Nous avons tout de suite été rassurés : le professeur Martín nous a semblé toujours aussi motivé et débordant d’idées neuves pour améliorer l’enseignement agricole au collège. Quant à la mairie, elle semble elle aussi s’être imprégnée du projet. Elle a notamment décidé de financer la construction d’une réserve d’eau pour le collège, qui n’avait jusqu’à maintenant accès à cette ressource indispensable aux travaux pratiques qu’une fois tous les 22 jours ! L’idée est de remplir cette réserve à chaque fois et de s’en servir jusqu’à la prochaine arrivée d’eau. Le maire a promis que les travaux débuteraient bientôt, ce qui serait une très bonne nouvelle quand on sait que la saison sèche commence en mai-juin. On a bon espoir de voir le bassin terminé avant notre départ. La mairie a également acheté quelques outils agricoles (pelles, bêches…) qui permettront aux élèves de s’initier aux travaux des champs.

                Lors de notre visite du collège de Siracat, Martín nous a expliqué les différents aménagements qu’il avait prévus : il sait déjà où il veut planter arbres et arbustes, et quelles espèces il veut utiliser, forestières ou fruitières. Il nous a montré l’emplacement du futur laboratoire de transformation, qui offrira un véritable plus aux travaux pratiques proposés aux enfants et pourra aussi servir à long terme à vendre des produits agricoles transformés (yaourts, confitures, jus de fruits…). Par ailleurs, il s’est dit très intéressé par le démarrage d’un élevage de petits animaux, lapins (conejos) et cochons d’Inde (cuyes). Les élèves pourraient ensuite en ramener chez eux afin de les dresser et de monter un numéro de cirque. C’est une blague bien sûr, l’idée est de commencer leur propre élevage et ainsi de diversifier leur alimentation. Le professeur nous a en plus communiqué son intérêt pour l’achat d’un vidéoprojecteur et de l’ordinateur qui va avec, afin de pouvoir proposer aux enfants des illustrations sur les différents points abordés en cours.

                Avec Martín, nous avons également discuté de la création d’une association APN locale, qui serait constituée de parents d’élèves par exemple, et d’une coopérative agricole regroupant les différents agriculteurs de Siracat, voire de Cospán dans son ensemble. Mais pour l’instant, ces deux points n’ont pas vraiment avancé. Il a aussi été question de mettre en place une formation agricole pour les adultes du village, idée lancée par Bertrand, le vice-président d’APN, lors de sa visite en novembre dernier. Nous nous sommes adressés à l’Université de Cajamarca, afin de savoir s’ils pouvaient envoyer des professeurs spécialistes, qui viendraient le temps d’un week-end assurer les parties théorique et pratique. Nous avons retenu deux grandes thématiques, qui feraient l’objet de deux week-ends de formation distincts : une thématique « Recyclage et production d’engrais organique » et une thématique « Usage de l’eau et gestion des terres ». Le 30 avril, une réunion avec les gens du village viendra fixer les dates des formations et permettra de décider où et comment elles seront réalisées. Enfin, on a mis sur la table le problème de la gestion des déchets du village, pas du tout organisée à l’heure actuelle. Après discussion avec la spécialiste de la question à la mairie de Cajamarca, nous avons convenu qu’elle se rendrait prochainement à Cospán afin de sensibiliser les habitants et de choisir une fois sur place la solution la plus pratique. L’idée retenue pour l’instant serait de trouver un endroit où stocker temporairement les déchets avant de les acheminer par camion jusqu’à Cajamarca, où ils seront traités. Voilà pour les différents points abordés, voyons maintenant ce qu’il est advenu de ces belles initiatives une fois que nous avons adressé les demandes officielles aux organismes concernés.

Photo qui n’a rien à voir avec le propos de cet article mais qui a au moins le mérite de vous permettre de souffler avant la dernière ligne droite


                Vous pensez que l’administration française est une catastrophe ? Attendez de connaître celle du Pérou ! Pour vous en donner une image précise, elle ressemble à s’y méprendre à la « Maison qui rend fou » des 12 travaux d’Astérix. Je vous conseille de voir ou revoir cet excellent dessin animé, il est très représentatif de notre quotidien à Cajamarca. Nos différentes demandes se promènent allègrement de service en service, de département en département, jusqu’à ce que quelqu’un ait la bonne idée de vérifier de quoi elles parlent et qui serait susceptible de les financer. Mais ce serait trop simple si le jeu de pistes se limitait à ça. Rajoutez-y les indications floues voire erronées sur la direction à suivre et la personne à rencontrer, et même parfois des incompréhensions complètes entre nous et nos interlocuteurs (à leur décharge, notre espagnol n’est pas encore d’une fluidité exceptionnelle). Tant et si bien qu’on a parfois l’impression de devoir résoudre des énigmes ! Mais rassurez-vous, à force de courage et d’abnégation (en voilà un mot compliqué !) on finit par obtenir des résultats, la preuve dans le paragraphe suivant.

Bertrand, en novembre dernier, avait remis au Gouvernement régional la demande de financement de graines améliorées pour la pépinière du collège et des différents outils et appareils nécessaires au laboratoire. Après quelques péripéties et de nombreuses visites, nous avons appris que celle-ci avait été transmise à la Direction régionale de l’agriculture et archivée. Il s’était écoulé trop de temps entre la dernière visite de Bertrand et notre arrivée. Nous avons donc dû nous adresser au directeur, qui a reconsidéré notre demande et nous a annoncé qu’il pensait en financer au moins la moitié. Il doit nous recontacter sous peu pour confirmer. En ce qui concerne le laboratoire en lui-même, nous sommes en passe d’obtenir le devis de construction, grâce au soutien de l’ancien maire de Cospán, Luciano Mendez Alcantara. En toute logique, les travaux devraient donc débuter dans les mois qui viennent, mais prudence…

En revanche, la demande pour le vidéoprojecteur et l’ordinateur a été refusée. Nous allons donc probablement financer nous-mêmes cet achat, à l’aide des fonds que nous avons réunis grâce à vous avant notre départ. Vous me ferez donc remarquer, à juste titre : « Mais alors, où est la vraie bonne nouvelle ? ». J’y viens, lecteurs incrédules, j’y viens ! En effet, la demande pour les lapins et cochons d’Inde a été acceptée ! Bon certes, pas vraiment comme on l’attendait : là où nous pensions obtenir l’argent nécessaire à l’achat de ces sympathiques bestioles, nous avons en fait eu droit… aux bestioles elles-mêmes, en chair et en poils ! Nous sommes donc en train de réfléchir au meilleur moyen de transporter 20 cochons d’Inde et 20 lapins entre Cajamarca et Siracat, sachant que le combi qu’on utilise habituellement peine déjà à accueillir ses passagers humains…

Vous l’aurez compris, le projet n’est pas de tout repos, mais c’est aussi ça qui le rend si intéressant et enrichissant ! Et puis l’avantage, c’est que désormais la mairie de Cajamarca, le Gouvernement régional et autre Direction régionale de l’agriculture n’ont plus de secrets pour nous ! Et pour l’anecdote, le vigile (avec arme et gilet pare-balles) à l’entrée du gouvernement nous connaît si bien maintenant qu’il nous salue et qu’on rentre comme dans un moulin, alors qu’au début on devait montrer patte blanche et expliquer longuement ce qu’on venait faire ici !

NG

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire